À travers les écrits du Zohar et les enseignements de l’Ari Zal, le judaïsme apparaît non seulement comme une tradition spirituelle mais comme une architecture divine au service de l’univers. La vocation du peuple juif s’y déploie comme une mission cosmique, une dynamique de réparation et d’unité à l’échelle de la création tout entière.
La création comme acte d’amour universel
Un monde voulu pour le bien
Le Zohar enseigne que le monde a été créé « léma’an Israël déyishtadlou bé’oraita » – pour qu’Israël s’investisse dans la Torah. Mais attention : cela ne veut pas dire que le monde a été créé pour Israël en soi, mais pour le rôle d’Israël comme canal de lumière divine pour toute l’humanité.
Exemple du Zohar (I, 103b) : « Israël éclaire le monde comme le cœur éclaire le corps. »
Sans le cœur, le corps est inerte ; sans Israël, le monde est privé de sa vitalité spirituelle.
L’Ari Zal : Tikoun et réparation des mondes
Chevirat haKelim et Tikoun Olam
Selon l’Ari Zal (Rav Yits’hak Louria), le monde a subi un brisement primordial – la Chevirat haKelim (fracture des vases). Des éclats de lumière divine sont tombés dans la matière, dispersés dans toute la création. La mission d’Israël est de recueillir ces étincelles, les élever, les réunir à leur source.
Chaque mitsva devient un acte mystique de Tikoun – réparation d’une partie de la réalité spirituelle.
Exemple : Allumer les bougies de Shabbat, c’est raviver une lumière cosmique tombée dans les ténèbres de la semaine.
Israël comme Nefesh de l’Humanité
Le Ari Zal enseigne que l’âme collective d’Israël correspond au Nefesh de l’Adam Kadmon, l’âme primordiale de l’humanité. Les âmes juives ont donc une fonction motrice et réparatrice, au service de toute la création.
Exemple : Quand un Juif prie avec kavana (intention pure), il élève non seulement sa propre âme, mais il élève aussi les mondes – et rétablit l’harmonie universelle.
Lumière et Or Makif : rayonnement au-delà de soi
Or Pnimi et Or Makif
La Kabbale distingue entre la lumière intérieure (or pnimi) – celle qu’on intériorise – et la lumière environnante (or makif) – celle qu’on projette au monde. Israël reçoit une lumière profonde (la Torah), mais il ne la garde pas pour lui. Il la rayonne.
Zohar (III, 221a) : « Le monde entier est nourri par le souffle des justes. »
Faire briller la Shekhina
Le Ari Zal enseigne que chaque action pure faite par un Juif rapproche la présence divine (la Shekhina) du monde, et l’élève depuis les exils du mal vers son trône lumineux.
Exemple : Dire une brakha avec émouna authentique, c’est réveiller un feu céleste dans les mondes supérieurs et apporter la guérison spirituelle ici-bas.
Israël et les nations dans la Kabbale
Unité sans uniformité
Le Zohar ne parle pas d’uniformiser les peuples, mais de les unir dans la révélation du Un. Chaque nation a son rôle. Mais Israël est comme l’huile dans la lampe : il unit et fait briller.
Exemple du Zohar (I, 193a) : « Israël est le cœur, les nations sont les membres. Ensemble, ils forment l’Adam complet. »
Le Tikoun final (Guéoula) est collectif, mondial – mais il commence par la fidélité d’Israël à sa mission sacrée.
Conclusion
La Kabbale révèle la vocation juive dans sa dimension la plus mystique : être le canal d’unité divine pour l’ensemble de la création. Chaque mitsva est une étincelle, chaque mot de Torah une onde de lumière. Dans un monde brisé, Israël devient le tisseur silencieux d’un monde réparé.
Mais cette grandeur n’est pas égotique : c’est une invitation à l’humilité, au service, à l’éveil du monde à son origine divine. Le peuple juif, selon la Kabbale, est à la fois l’instrument du Tikoun et le cœur vibrant de l’humanité. Il ne s’agit pas d’un privilège, mais d’une responsabilité sacrée – à incarner à chaque instant.