Le Tikoun HaOlam ne se limite pas à des actions spirituelles ou des intentions élevées : il s’incarne dans les relations humaines les plus quotidiennes. Le respect du travailleur et du droit au repos sont des expressions concrètes de la volonté divine. La Torah, loin d’ignorer la sphère économique, la sanctifie en y insérant justice, compassion et responsabilité. Cet article explore comment la Torah fait du travail et du repos des leviers fondamentaux de la réparation du monde.
Une vision éthique du travail : entre justice et reconnaissance
La Torah sanctifie le travail humain
Contrairement à certaines visions qui méprisent le monde matériel, la Torah valorise le travail comme un partenariat avec le Créateur. Travailler n’est pas une malédiction, mais une opportunité de Tikoun.
« Tu cultiveras la terre… et tu en mangeras le fruit. » (Genèse 3:19)
Ce verset, souvent mal interprété, est pour les sages un appel à la responsabilité dans la gestion du monde.
Exemple : Le cultivateur qui agit avec honnêteté, qui paie ses ouvriers, participe activement à la sanctification de la terre.
L’interdiction de léser un ouvrier
La Torah est catégorique : exploiter un ouvrier est un crime moral.
« Tu ne retiendras pas le salaire d’un ouvrier jusqu’au lendemain. » (Lévitique 19:13)
« Son salaire ne passera pas la nuit chez toi. » (Deutéronome 24:15)
Ces versets affirment la dignité fondamentale de l’homme qui travaille. Le Tikoun HaOlam commence quand on reconnaît la souffrance du travailleur pauvre qui attend son dû.
Exemple : Un employeur qui paye dans les délais et traite ses ouvriers avec respect crée un kiddouch Hachem silencieux mais profond.
Un regard kabbalistique : réparer le monde matériel
Le Ari Zal enseigne que le travail honnête élève les étincelles spirituelles tombées dans la matière. Même les professions ordinaires peuvent devenir des canaux de Tikoun, quand elles sont vécues dans la droiture.
« Toute activité dans ce monde est une opportunité de dévoiler la lumière divine. » – Rav Kook
Le repos : redonner sa place à l’humain
Shabbat : un repos égalitaire et sacré
Le Shabbat est un des grands piliers du Tikoun. Il ne s’agit pas simplement de se reposer, mais de restituer la dignité du travailleur, de l’étranger, de l’esclave, de l’animal.
« Le septième jour est un Shabbat… Tu ne feras aucun ouvrage : toi, ton fils, ton serviteur, ton bétail, et l’étranger. » (Exode 20:10)
Le Rav Hirsch voyait dans ce commandement la première législation universelle du droit au repos pour tous.
Exemple : Même un employeur non pratiquant qui ferme pour Shabbat afin de respecter ses employés crée un acte de Tikoun.
Repos = Reconnaissance de l’image divine
Le Shabbat rétablit l’équilibre entre production et être. Il dit à l’homme : Tu n’es pas une machine. Cela permet de reconnecter chaque individu à son essence divine, au-delà de sa fonction économique.
Exemple : Une famille pauvre qui fait Shabbat avec simplicité mais dignité révèle la beauté du Tikoun par le repos.
Protection dans la Torah des plus vulnérables
L’interdiction d’exploiter l’étranger ou l’esclave
« Ne fais pas souffrir l’étranger… car tu as été esclave en Égypte. » (Exode 22:20)
Le souvenir de l’esclavage en Égypte nourrit la conscience sociale juive. Le Tikoun consiste ici à ne jamais reproduire l’oppression, même involontairement.
Exemple : Inclure un migrant ou un ouvrier isolé dans la vie communautaire est un acte de Tikoun fondamental.
Un modèle de société compassionnelle
Les lois sociales de la Torah visent à créer une société où personne ne tombe dans l’oubli, ni l’ouvrier, ni l’étranger, ni le serviteur.
Rav Dessler écrit : « Le plus grand Tikoun, c’est d’ouvrir les yeux à la souffrance de l’autre. »
Conclusion
Le Tikoun HaOlam commence par la justice au quotidien. La Torah nous apprend que respecter le travailleur, lui garantir un salaire honnête, lui offrir un repos digne, c’est sanctifier le monde. Dans une époque où l’économie écrase souvent l’humain, le message de la Torah est révolutionnaire : la valeur d’un homme ne se mesure pas à sa production, mais à son image divine.
Respecter le travail, sanctifier le repos, c’est réparer le monde un geste à la fois. Le Shabbat, les salaires justes, l’attention aux vulnérables : voilà les clés simples, mais puissantes, du Tikoun dans notre génération.