Dans notre précédent article, nous avons exploré comment Avraham, par sa vie et ses choix, incarne l’origine de la mission du Tikoun HaOlam — cette vocation de réparation du monde, au cœur de la vision prophétique du Judaïsme. Mais cette mission ne s’éteint pas avec lui. Elle devient une charge collective, portée par ses descendants. Comment cette transmission s’opère-t-elle ? Et que signifie aujourd’hui être héritier d’Avraham ?
1. Une transmission par l’alliance : de l’individu au collectif
Le passage de Genèse 17 est fondamental :
« J’établirai Mon alliance entre Moi et toi, et ta descendance après toi, de génération en génération, comme une alliance éternelle… » (Genèse 17:7)
Ce verset marque une bascule : la relation entre HaShem et Avraham devient structurelle, transgénérationnelle. Le Tikoun HaOlam n’est plus l’œuvre d’un seul homme, mais le mandat d’un peuple. Israël devient la matrice par laquelle la lumière d’Avraham se diffuse dans l’histoire.
Mais cette alliance inclut une exigence : la fidélité morale, spirituelle et rituelle. La mission ne repose pas sur un droit du sang, mais sur une responsabilité vécue, renouvelée à chaque génération.
Méditation : Qu’est-ce que j’hérite réellement de mes ancêtres ? De quelles responsabilités suis-je le porteur invisible ?
2. La Avodah intérieure : Tikoun HaNefesh avant Tikoun HaOlam
Avant de vouloir transformer le monde, le Judaïsme enseigne qu’il faut se transformer soi-même. Les Sages enseignent :
« Celui qui veut purifier les autres doit d’abord se purifier lui-même. » (Talmud, BaBa Batra 60b)
Ainsi, le Tikoun HaOlam commence par le Tikoun HaNefesh — la réparation de l’âme. L’héritier d’Avraham doit être un homme ou une femme de vérité, de justice, de bonté et de courage. Il ne s’agit pas d’activisme idéologique, mais de construction spirituelle lente, patiente, profonde.
Exemples de Tikoun HaNefesh :
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Travailler son orgueil en écoutant vraiment autrui.
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Briser sa paresse pour accomplir un acte de bonté sans attendre.
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Réfréner un jugement intérieur sur quelqu’un de différent.
Méditation : Quelles sont mes résistances intérieures à la mission ? Quels aspects de ma personnalité bloquent la lumière divine en moi ?
3. Un peuple témoin : « Vous serez une nation de prêtres » (Exode 19:6)
Avant même de recevoir la Torah, HaShem dit au peuple d’Israël :
« Vous serez pour Moi un royaume de prêtres et une nation sainte. »
Un prêtre (Cohen) ne vit pas pour lui-même. Il est un pont entre le divin et l’humain, un vecteur d’élévation, de lien, de service. Être un peuple-prêtre, c’est vivre pour plus que soi-même, être modèle, guide, phare — non pas par orgueil, mais par responsabilité.
Le Tikoun HaOlam selon la Torah n’est donc pas seulement social ou écologique. Il est ontologique : il transforme le monde par la sainteté collective d’Israël.
Méditation : Est-ce que je vis comme un simple individu, ou comme membre d’un peuple de prêtres ? Qu’est-ce que je transmets autour de moi : l’espoir, la lumière, ou la confusion ?
Conclusion : Une vocation ouverte et exigeante
Le Tikoun HaOlam n’est pas un rêve utopique. C’est une alliance réelle, fondée sur la mémoire d’Avraham et portée par chaque génération juive. Elle appelle à la grandeur sans fanatisme, à la transformation sans orgueil.
Ceux qui veulent réparer le monde doivent d’abord s’y lier intérieurement, puis apprendre à écouter la voix d’Avraham dans leur propre conscience : oser bénir, accueillir, défendre et transmettre.