Accueillir l’étranger est l’un des commandements les plus répétés de la Torah. Le Tikoun, cette mission de réparation du monde, passe aussi par notre manière d’ouvrir notre cœur et notre communauté à celui qui vient d’ailleurs. Non par naïveté, mais par fidélité à notre propre histoire.
La Torah n’oublie jamais que nous avons été étrangers en Égypte. Elle exige donc de nous une éthique de l’accueil fondée non sur la pitié, mais sur la mémoire, la justice, et l’amour désintéressé.
1. Ne pas opprimer le converti
Le verset est clair :
« Vous n’opprimerez pas l’étranger qui s’est joint à vous, vous ne le persécuterez pas, car vous avez été étrangers en Égypte. »
(Chémot 22, 20)
Rachi commente : même une simple parole blessante est une forme d’oppression. Le Guèr, celui qui a choisi de rejoindre le peuple juif par conviction, est particulièrement vulnérable. Il a souvent coupé avec son entourage, il est en reconstruction. Toute forme de rejet, d’ironie, d’exclusion peut devenir une faute grave.
Le Tikoun ici est double : réparer l’accueil dans la communauté, et réparer notre propre regard sur l’autre, en lui donnant sa pleine dignité.
2. Se souvenir de la sortie d’Égypte
Plus de 36 fois, la Torah nous rappelle que nous avons été esclaves et étrangers en Égypte. Ce n’est pas un simple rappel historique, mais un appel constant à la compassion active.
Le Tikoun passe par la mémoire : une mémoire non pas passive, mais exigeante. Puisque nous savons ce que signifie être opprimés, nous devons devenir ceux qui libèrent, qui soutiennent, qui accueillent.
Accueillir l’étranger, c’est devenir un miroir inversé de l’Égypte : là où eux enfermaient, nous devons ouvrir.
3. Sforno : la bonté universelle est un commandement
Le Sforno commente (Vayikra 19, 34) que l’accueil de l’étranger n’est pas réservé au Guèr Tsedek (converti), mais s’applique aussi à tout non-juif pacifique résidant parmi nous. Il y voit une obligation morale universelle : celle de faire preuve de ‘Hessed, de bonté, envers toute créature humaine.
Dans cette lecture, le Tikoun Olam n’est pas réservé à l’intérieur du peuple juif : il s’ouvre à l’humanité. Accueillir l’étranger, c’est participer à la réparation des fractures du monde.
En cela, la Torah précède toutes les chartes des droits de l’homme. Elle enseigne que la bonté n’est pas un luxe moral : c’est une Mitsva.
Conclusion
Accueillir l’étranger, ce n’est pas faire preuve de grandeur d’âme. C’est simplement rester fidèle à ce que nous sommes : un peuple d’anciens étrangers, appelés à illuminer le monde par leur capacité à aimer au-delà des frontières.